Solidarité bien ordonnée...

Solidarité : (…); relation entre personnes ayant conscience d’une communauté d’intérêts, qui entraîne, pour les unes, l’obligation morale de ne pas desservir les autres et de leur porter assistance.[1]

On entend constamment, principalement dans la bouche de représentants d’obscures ONG et autres partis socialistes, une phrase du style: «Nous sommes tous concernés par ce drame humain et devons être solidaires…». Suit en général une récolte de fonds et de signatures de la pétition qui réglera le problème. En dehors de l’agacement naturel que provoque en moi l’invasion de mon espace vital par un chevelu crasseux qui a de plus le culot de vouloir  m’imposer un devoir de solidarité, je dois avouer que la misère qui sévit à l’autre bout du monde, sans me laisser totalement indifférent, ne m’empêche pas de dormir.

«Sans cœur», direz-vous. Peut-être, mais, a contrario, la publicité pour Educo[2] qui passe à la télévision et à la radio espagnoles et met en scène une maman expliquant à sa fille qu’elle lui a fait un sandwich magique pour son dîner, deux tranches de pain, et qu’elle peut s’imaginer ce qu’il y a au milieu, me laisse chaque fois la gorge nouée.

Vivant en Catalogne, je côtoie tous les jours des voisins ou des connaissances qui vivent dans des situations très difficiles où les deux parents sont au chômage, voire sans aucune source de revenus, et se privent pour que les enfants puissent manger à leur faim. Lorsqu’on leur demande «Qué tal?»[3], ils répondent «Bien, dentro de lo que hay »[4]; un peu de fatalisme avec une légère touche d’optimisme: il fait beau.

La différence entre mes miséreux et ceux de l’ONG Solidarité pour tous, c’est précisément qu’ils me sont proches, que j’ai des liens personnels avec certains d’entre eux et qu’ils sont les victimes d’une situation économique dans laquelle je vis également. La définition du Petit Robert illustre très bien cette idée de relation qui unit des individus ayant quelque chose en commun. On pourrait dire que la solidarité vécue sincèrement, et pas seulement en faisant un don pour se donner bonne conscience, est intimement liée à l’empathie que l’on ressent vis-à-vis de l’objet de notre solidarité.

Je vous entends, cher lecteur, vous demander: «Fort bien, et puis quoi ?». Eh bien! c’est le moment que je vais choisir pour sauter du coq à l’âne.

Le mot capitalisme est difficile à définir de manière simple tant il comporte de connotations politiques souvent négatives. Néanmoins, en réduisant le concept à sa plus  simple expression, on pourrait le définir comme … un cocktail de pognon et de boulot. A quelque niveau que ce soit, celui qui veut produire quelque chose aura besoin d’argent, ne serait-ce que pour acheter ses outils, et de savoir-faire. L’artisan indépendant cumulera les deux casquettes en investissant ses trois économies et en apportant son propre travail. Dès l’instant où il y a un salarié, les choses se corsent car il y séparation entre les deux composantes avec la divergence d’intérêts que cela peut impliquer. Le syndicalisme actuel repose sur cette seule idée, souvent fausse, que le détenteur du capital financier a pour objectif unique la maximisation de son profit au détriment des salariés, qui ont donc besoin d’être protégés.

Il y a bien sûr des cas avérés, mais qui se révèlent finalement assez rares et généralement le fait de grandes entreprises, dans lesquelles les dirigeants sont également des salariés et où les détenteurs de l’appareil de production sont innombrables et anonymes. Cette distance entre les composantes de l’entreprise, ajoutée au fait que la direction opérationnelle est confiée à des individus dont les revenus se basent sur les résultats à court terme en sont la cause.

Mais, dans l’immense majorité des cas que sont les PME, le succès de l’entreprise repose au contraire sur l’équilibre entre un rendement du capital financier adéquat et des revenus  suffisants, qui assurent productivité, satisfaction et fidélité du capital humain. Tous les éléments de l’entreprise sont unis en ce qu’ils ont une communauté d’intérêts et une responsabilité morale les uns vis-à-vis des autres, modèle que je qualifierai de capitalisme solidaire, ce qui me permet de retomber sur mes pattes.

En élargissant un peu cette logique, il est juste à mon avis de rappeler à ceux qui ont des sous que le rapport rendement-risque est important, mais qu’il ne devrait pas être la seule  composante dans la décision d’investissement. Préférez Logitech à Microsoft, UBS à JP Morgan, Caran d’Ache à Bic et Nestlé à Unilever: vous contribuerez à la création de richesse nationale et à ce que votre voisin remplisse la soupière. C’est un peu plus satisfaisant, non?

Michel Paschoud


 

 

NOTES:

[1] Nouveau Petit Robert
[2] https://www.youtube.com/watch?v=B3Jjq-e-cYo
[3] «Comment ça va?»
[4] «Bien, compte tenu de la situation.»

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