Criminalité: la vérité en face

«Il faut bien se rendre à l’évidence, la délinquance augmente en Suisse au point que nous avons rejoint, voire parfois dépassé, nos grands voisins dans ce triste palmarès.» C’est par ces mots que Mme Marie-Hélène Miauton, connue pour ses chroniques régulières dans le journal Le Temps mais aussi pour avoir longtemps dirigé l’institut de sondage M.I.S Trend, commence l’ouvrage qu’elle vient de publier sur le thème de la criminalité et de l’insécurité en Suisse1.

Le livre vise en premier lieu à dénoncer la malhonnêteté de certains politiciens ou policiers haut gradés qui, soit par déni idéologique, soit par peur d’avouer que la situation les dépasse, minimisent le phénomène en arrangeant les statistiques et en évoquant un simple «sentiment d’insécurité». La réalité, c’est que la criminalité augmente de manière inquiétante et que la population en souffre. Ce que chacun sait pour le voir et le vivre au quotidien, Mme Miauton le démontre en expliquant pourquoi certains chiffres sont plus justes que d’autres et comment il faut déconstruire le discours lénifiant de certains criminologues.

Qui est responsable? Pour ce qui est de la police, l’auteur se refuse avec raison à incriminer la complexité helvétique et la multiplicité des corps cantonaux et communaux. Elle préfère mettre en évidence un important manque d’effectifs: le faible nombre de policiers proportionnellement au nombre d’habitants (21 pour 10'000, contre 30 en Allemagne, 33 en France, 46 en Italie, 44 en ville de New York) pouvait être un sujet de fierté à l’époque où le faible taux de criminalité l’était aussi; dès lors que la Suisse a cessé d’être un îlot de sécurité pour rejoindre le concert des nations, cette particularité ne se justifie plus. Encore faudrait-il que les budgets publics puissent être davantage affectés au domaine de la sécurité plutôt qu’absorbés par celui des aides et interventions sociales.

Mme Miauton s’interroge tout de même sur les étonnantes priorités de l’action policière. Elle relève que, alors que les accidents de la circulation représentent aujourd’hui un problème beaucoup moins grave que la criminalité, le nombre des contrôles de vitesse augmente de manière vertigineuse. On pourrait aussi mentionner la quasi-suppression de toute marge de tolérance pour les micro-dépassements de vitesse, l’automatisation qui rend les amendes rentables même pour de très petits montants, la mise à profit de signalisations complexes ou contradictoires permettant de «piéger» plus facilement les automobilistes, y compris ceux qui se comportent correctement et cherchent à respecter la loi: la dénonciation des «radars pompes-à-fric», qui apparaissait il n’y a pas si longtemps come une antienne récurrente des conducteurs négligents et de mauvaise foi, correspond désormais à la réalité. Mme Miauton regrette que la crainte de la maréchaussée, qui devrait normalement être réservée aux seuls malfrats, soit devenue omniprésente dans une grande majorité de la société: «Nous avons de la sorte créé une société où l’immense proportion des honnêtes gens est peu ou prou assimilée à la toute petite proportion de canailles.»

La justice, en revanche, est clairement pointée du doigt pour sa responsabilité dans la situation actuelle, pour sa mansuétude coupable à l’égard des délinquants et pour sa pusillanimité à l’égard des forces de l’ordre. Nous avons récemment commenté dans ces colonnes les verdicts choquants rendus par certains tribunaux et la colère grandissante qu’ils suscitent dans la population. Mme Miauton en donne d’autres exemples, tous édifiants.

Certes, les juges sont tenus d’appliquer la loi. L’ouvrage ne manque pas de mettre en cause l’imbécillité criminelle du nouveau Code de procédure fédérale et du nouveau Code pénal fédéral, textes inspirés par un «lobby puissant» de «théoriciens de la justice» très orientés à gauche et auxquels un monde politique indolent a coupablement laissé la bride sur le cou. Mais les juges eux-mêmes, nous révèle Mme Miauton, ajoutent leur propre couche de laxisme par rapport aux sanctions que la loi leur permettrait de prononcer; sans compter l’indulgence supplémentaire des juges d’application des peines: «Cela veut dire que le malfaiteur est condamné mais qu’ensuite tout sera fait pour que son séjour en prison soit le plus indolore et le plus court possible.» La chaîne pénale, ainsi corrodée par la «naïveté rousseauiste», atténue les peines jusqu’à les rendre inopérantes. «On peut ainsi comprendre pourquoi la Suisse est devenue le terrain de chasse favori des délinquants.»

Le livre de Mme Miauton aborde aussi, sans en faire un thème central, mais sans langue de bois non plus, le rôle de l’immigration dans la criminalité, en montrant comment le refus de regarder certains problèmes en face contribue au chaos actuel. Le problème «n’est pas que nous accueillons trop d’étrangers chez nous mais que nous en accueillons trop qui sont malintentionnés et qui se cachent derrière nos lois sur l’asile pour venir perpétrer ici leurs forfaits». Dans la foulée, l’auteur examine le plus précisément possible ce que la Suisse a gagné et perdu avec les accords de Schengen-Dublin, concluant de manière réservée sur un constat d’«avantages difficilement chiffrables».

Le livre de Mme Miauton va bien au-delà du simple billet d’humeur. Il analyse les faits sans émotion excessive, accuse de manière documentée, et propose ensuite des pistes pour améliorer la situation. Les recommandations de l’auteur, si elles s’adressent essentiellement à la police, à la justice et au législateur, vont aussi aux médias, auxquels il est aimablement suggéré de ne pas censurer les informations qui les dérangent et d’accepter de confronter les points de vue différents. Un beau programme!

Pollux

NOTES:

1 Marie-Hélène Miauton, Criminalité en Suisse – La vérité en face, Lausanne, Editions Favre, 2013

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