Bénéfice n'est pas revenu




Le système est en train de se casser la figure. Les gouvernements se débattent pour essayer de concilier mesures d'économies, assainissement des finances et stimulation de la croissance.







Nous ne sortirons pas de cette situation sans douleur et sans une réduction drastique du train de vie des Etats. Il y a néanmoins certaines mesures envisageables dont je n'entends jamais parler: par exemple, la façon de traiter la fiscalité des entreprises.







On entend à droite et à gauche que, pour stimuler l'économie, il faudrait faciliter le crédit aux entreprises. C'est particulièrement vrai en Espagne où se cumulent la crise immobilière nationale et la crise de la dette internationale. Les établissements bancaires éprouvent de grandes difficultés à se refinancer, avec pour conséquence des taux de crédit trop élevés pour être intéressants.







Laissons de côté le fait que, pour qu'une entreprise demande un crédit, il faut d'abord qu'elle soit en situation de le faire, c'est-à-dire bénéficiaire et jouissant de perspectives positives, ce qui n'est pas souvent le cas en ce moment, et intéressons-nous plus particulièrement aux entreprises qui forment la plus grande partie du tissu économique, les micro-entreprises et les PME.







Prenons au hasard l'exemple de l'agence immobilière Easy Brava (nom fictif, bien entendu!) établie sur la Costa Brava et dont les affaires fonctionnent bien. Le jeune et dynamique entrepreneur qui dirige l'entreprise projette de se développer et d'engager du personnel. Il estime à 25'000 € la provision de fonds nécessaire à la mise en route de ce projet. Or c'est précisément le bénéfice net avant impôts que lui laisse son activité cette année. Malheureusement, il devra d'abord s'acquitter de l'impôt sur le bénéfice de 25 %, ce qui l'obligera à repousser à l'année prochaine l'engagement de son collaborateur.







La fiscalité des entreprises est à mon point de vue globalement pensée à rebours du bon sens. Le découpage en deux étapes de la taxation, premièrement sur le bénéfice, puis sur la distribution aux actionnaires, est erroné. L'impôt est légitime lorsqu'il grève un revenu effectif, à savoir de l'argent qui passe d'une main à l'autre, salaires, dividendes, intérêts. Le bénéfice ne fait pas partie de cette catégorie et l'impôt sur le bénéfice prive les entreprises de sources d'autofinancement vitales pour leur croissance. De plus, et afin de réduire la charge fiscale, elles doivent se livrer à des exercices d'optimisation comptable, jouant sur les amortissements et créant des réserves latentes. Il serait nettement plus simple et plus juste de supprimer simplement l'impôt sur le bénéfice et de le compenser par l'augmentation du prélèvement sur les dividendes.







Cette modification aurait évidemment un impact négatif sur le volume des entrées fiscales dans un premier temps, mais devrait encourager la création d'emplois dans les entreprises rentables par la stimulation de l'investissement dans l'amélioration de l'appareil de production par exemple.







On se prend à rêver de politiciens courageux, préoccupés par les difficultés de leurs concitoyens et disposés à prendre des mesures novatrices... Et puis on se réveille.







Michel Paschoud

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