Des bonnes intentions...

Nous le savons, le chemin de l’enfer en est pavé! L’adage peut s’appliquer à l’objet de la votation du 9 juin prochain:  l’initiative de l’UDC demandant l’élection du Conseil  fédéral au suffrage universel. Parlons d’abord des intentions: elles sont assurément louables en soi par la référence à la démocratie directe, par l’appel implicite à des personnalités affirmées et liées par des promesses publiques, par un équilibre apparent entre régions linguistiques. Mais c’est là, déjà, que le bât blesse.

Car penser la Suisse en termes de régions linguistiques, c’est, d’une part, ignorer l’histoire de notre pays, faute majeure pour un parti se voulant patriote, et, d’autre part, c’est intégrer dans la Constitution fédérale un concept issu de la démocratie européenne, c’est-à-dire, au fond, révolutionnaire! La Suisse historique était totalement germanophone, il ne faut pas l’oublier, car les seuls espaces où se parlait une autre langue étaient soit des pays alliés, comme Genève ou Neuchâtel, soit des pays sujets, comme le Bas-Valais, le Tessin ou le Pays de Vaud. La Suisse s’est construite sur la notion d’Etats souverains et, pour s’y intégrer, Fribourg changea de langue! Certes, il ne s’agit nullement de restaurer cet état au sein de la Confédération, mais y introduire la notion de régions linguistiques substituée à celle d’Etats cantonaux relève entièrement d’une phraséologie et d’une pensée de source révolutionnaire. C’est donc faire un pas vers l’esprit de l’Union européenne. Le danger est trop grand pour qu'on ne l'évoque pas.

Deuxième argument:  l’élection par le peuple d’un chef d’Etat s’apparente, dans une nation, au plébiscite républicain français. Elle est donc aussi d’inspiration révolutionnaire ou bonapartiste. Elle est donc une forme cachée d’intégration à ce que l’esprit de l’Union européenne a de plus hostile envers nous. Or la caractéristique des Etats suisses, les cantons, c’est, historiquement, le rejet de toute forme de monarchie. La Suisse s’est bâtie sciemment en marge et en dehors des monarchies européennes. Nous n'avons aucune raison d’en admettre le succédané plébiscitaire. Ce qui caractérise le pouvoir politique suisse à son plus haut niveau, tant sur le plan fédéral que cantonal, c’est la collégialité. Or ce principe n’est viable que par des formes préalables de sélection et d’équilibres au sein des classes puis des formations politiques agissant dans le cadre de collèges ou d’assemblées restreintes, au moins au niveau fédéral. Le mode actuel d’élection du Conseil fédéral respecte ce principe typiquement suisse et son  ancrage profondément inscrit dans notre passé institutionnel.

Ma conclusion sera donc celle-ci:  l’UDC a son rôle à jouer dans la défense de la démocratie directe en Suisse, car c’est elle qui entrave le mieux les opérations de trahison menées de manière voilée et hypocrite par la classe politique dans son ensemble sous la pression des instances européennes, notamment en matière fiscale. L'élection du Conseil fédéral par le peuple suisse aggraverait la pression européenne sur notre personnel politique, qui subirait des attaques frontales stigmatisant, par pur intérêt et motivation idéologiques, 1’«extrémisme de droite», la «xénophobie» ou «le repli identitaire». Nous n'avons pas besoin de donner cette fausse munition à l’Union européenne. La résistance contre le totalitarisme de cet ensemble qui n’est même pas un Etat mais qu’un ex-dissident russe, Vladimir Boukovski, nommait carrément «l’EURSS», trouve son maximum d’efficacité par la défense de notre démocratie directe telle qu'en l’état.

Michel de Preux·

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