L'espoir est dans la crise

Il n'y a évidemment pas à se réjouir de la situation dans laquelle se trouvent les pays européens endettés jusqu'au cou, mais toute crise a ses retombées positives. Ce n'est pas quand tout va bien que le génie se manifeste et, s'il est pénible de devoir se serrer la ceinture, c'est dans les moments difficiles que l'on trouve de nouvelles solutions.

On parle beaucoup de «La Croissance» – nous mettons les majuscules à dessein tant elle est personnifiée – pour en dire tout et le contraire de tout. Pour certains, il s'agit d'une course effrénée au profit qui a conduit à la catastrophe actuelle; pour d'autres, c'est une nécessité qui est indissociable de la prospérité. En bon Vaudois, je me situe à mi-distance.

La croissance est définie comme la variation positive du PIB exprimée en pourcentage sur une durée donnée, généralement une année. Le PIB étant la somme des revenus des salariés, des impôts et des bénéfices des entreprises, on comprend pourquoi tout le monde veut de la croissance. Néanmoins, la croissance n'est nécessaire que si la population augmente et (ou) s'il y a de l'inflation. Car dans ce cas, s'il n'y a pas de croissance, il y a appauvrissement général.

On peut donc conclure que la croissance économique se doit d'être au moins proportionnelle à la somme de la croissance démographique et de l'inflation. Au-delà, il y a enrichissement généralisé, ce qui est évidemment une bonne chose pour autant que cela n'amène pas des effets secondaires indésirables.

Nous donnerons deux exemples qui nous semblent illustrer notre propos: l'écologie et la finance. La première est une préoccupation de la population en constante augmentation et, par voie de conséquence, de toutes les formations politiques. On peut critiquer les écologistes pastèques (verts à l'extérieur...),  mais il est de fait que la conscience écologique s'est généralisée au cours des vingt dernières années et que les individus ont généralement intégré à leur mode de vie la nécessité de conserver notre environnement.

De cette conscience découle le concept de «développement durable», qui peut être défini comme une hiérarchisation des priorités qui subordonne l'utilisation des ressources à la nécessité d'en assurer la pérennité. Or les ressources peuvent être de tous types, naturelles, humaines ou financières; le principe reste le même: une vision à long terme est plus rentable qu'un profit immédiat.

Si l'on transpose ce principe simple au monde des entreprises, on trouvera nombre de mauvais élèves. Les cas d’industries polluantes qui n’en assument pas les coûts sont légion, et le prix final de leurs produits en est faussé. Les banques également qui donnent à leurs collaborateurs des objectifs de vente à douze mois – «Cette année, mon garçon, tu devras vendre pour X millions de fonds de placements et pour Y millions de crédits hypothécaires....»  – utilisent un modèle commercial qui ne se préoccupe pas des besoins des clients et incite les employés à «fourguer leur came» pour toucher les bonus de fin d'année. Il serait si simple de dire aux gestionnaires:  «Voici un portefeuille de cinq cents clients, voici la rentabilité moyenne, l'objectif est de conserver cette rentabilité sur les cinq prochaines années et si possible de l'améliorer.» Enfin, il est ahurissant que des individus puissent faire perdre des milliards à leurs employeurs. Mais s'ils ont pu le faire, c'est que, selon toute probabilité, ils ont également eu la possibilité de leur faire gagner des sommes astronomiques.

Ce qui précède nous amène à notre second exemple: le monde financier. Comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire, le recours aux produits dérivés et aux montages complexes n’a de sens que dans la mesure où ces solutions financières répondent à un besoin exprimé par l’économie réelle, à savoir la couverture d’un risque existant. Les problèmes surgissent au  moment où les traders utilisent ces produits dérivés afin de faire des paris sur l’évolution des marchés, mettant en jeu des sommes considérables qui peuvent être multipliées (ou entièrement perdues) en quelques minutes. On a donc des bénéfices fabriqués à partir de rien, de simples paris gagnés; pas trace de développement durable dans ce cas, et on en voit le résultat lors du retour de balancier.

Le journaliste de base dirait qu'il est urgent de faire évoluer les mentalités, mais l'on sait bien que l'évolution des mentalités prend un temps considérable et que ce sont bien plus les événements que les individus qui la rendent possible. Une piste serait peut-être d'intégrer l'éthique à la formation commerciale des futurs entrepreneurs afin de leur apprendre la responsabilité qu'ils ont vis-à-vis de la communauté et des générations futures. Je pense qu'on peut parler aujourd'hui de quelque chose qui va au-delà de la simple mode lorsque l'on évoque l'écologie et le développement durable. Les entreprises qui veulent se différencier feraient bien de prendre des mesures dans ce sens tout en soignant leur image de marque par une communication idoine, car nombre de consommateurs seront disposés à payer un produit plus cher si cela leur permet d'avoir bonne conscience.

Michel Paschoud

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