Signification d'un débat

«En France, seuls les artistes de gauche semblent tirer bénéfice de leurs soutiens électoraux aux “bons” candidats. Au nom de la liberté d’expression.»

Lectures Françaises no 1661, mai 2012, p. 33

La démocratie moderne invoque comme le plus beau de ses titres de légitimité l’ouverture tous azimuts au débat. L’objet du débat démocratique moderne paraît totalement ouvert, non sélectif. En réalité, il n’en est rien. Le débat en démocratie moderne n’est admis qu’à condition d’avoir un sens… modernement démocratique! C’est au point que la démocratie moderne se définit elle-même par la nature des débats qu’elle admet et par celle de ceux qu’elle proscrit précisément comme antidémocratiques…

Existe-t-il une vraie religion divinement révélée?  Cette question est d’emblée proscrite quand bien même la vérité religieuse est en jeu, car elle implique une mise en cause de ce que les démocrates modernes considèrent comme un acquis irréversible du régime et partant de la conscience morale universelle: l’entière soumission du fait religieux au pouvoir discrétionnaire de la conscience. C’est une première fermeture. Elle porte sur ce qu’il y a de plus essentiel pour la vie de l’esprit…

Les autres n’en sont que les conséquences particulières, car dès que l’on a admis que la conscience personnelle est l’instance suprême du jugement sur le sens à donner à la vie, plus rien n’échappe à la mise en cause de ce qui, jusqu’alors, était considéré comme acquis de la civilisation et de la culture. Pour cette forme de pensée récusant les principes fondamentaux de l’ordre, tant intérieur que social, le suicide n’est qu’une option, et une option qui, le cas échéant, peut être imposée à des tiers dans des conditions de vie particulières du requérant. Je ne pense pas, à ce sujet, que l’assistance à cet acte soit seulement «tolérée» par le droit suisse[1]. Entendons-nous bien: d’un point de vue strictement formel et juridique, dans le droit positif suisse, le chef de la Ligue vaudoise a raison. Mais plus profondément, le droit suisse n’étant assujetti à aucune croyance ni à aucun ordre moral objectif, c’est de neutralité qu’il convient de parler à son propos plutôt que de tolérance. Or cette neutralité du droit positif suisse favorise en fait l’émergence de revendications en faveur du suicide assisté, proscrivant implicitement le retour au discrédit social de cette pratique. Ces déductions sont en parfait accord avec la notion de liberté de conscience, droit formellement reconnu comme fondamental dans l’ordre juridique suisse.

Inversément, le droit à la vie de la conception à la mort naturelle est formellement rejeté par les démocrates modernes comme… éminemment sectaire et contraire à l’égalité entre les sexes. On trouvera difficilement un argument de nature plus exclusivement idéologique et, simultanément, plus contraire à la logique! De même, tout ce qui tend à rappeler ou à défendre l’identité historique d’un peuple particulier pâtit aujourd’hui d’un discrédit qu’il n’est pas exagéré de qualifier de systématique. On peut à ce sujet parler encore de tolérance du droit positif actuel: voyez l’affaire des minarets. Mais de plus en plus, le principe même de la souveraineté étatique devient lui aussi objet de «tolérance», alors qu’il est l’un des fondements essentiels de tout ordre juridique particulier. Les défenseurs du droit international ne cessent, quant à eux, de lutter contre cette tolérance au nom des droits humains érigés en dogme planétaire s’imposant à la conscience.

Oui, le débat démocratique a effectivement un sens, mais les démocrates modernes y mettent une condition qu’ils n’explicitent jamais, bien qu’elle soit toujours présente à leur esprit: ce sens se doit d’être révolutionnaire. Le débat démocratique moderne n’est légitime que dans la mesure où il légitime un sens à caractère éminemment subversif. «Suffrage universel, mensonge universel», disait déjà le pape Pie IX. L’actualité nous en fournit une preuve à la fois cruelle et évidente: la crise financière internationale se nourrit du péché d’usure, condamné depuis toujours par l’Eglise – le prêt à intérêt purement spéculatif  aussi bien à des Etats qu’aux particuliers. Ces prêts internationaux maintiennent sciemment les débiteurs dans une situation de dépendance irrémédiable. Celui qui, en France, avait naïvement cru devoir soulever ce débat, Nicolas Dupont-Aignan, fit 1,9 % des voix! Quant au dénommé «Benoît XVI», il garde sur le sujet un silence assourdissant… Il est vrai que cet homme a fait publiquement allégeance à l’établissement d’un gouvernement mondial. Cette allégeance a un prix: le non-sens du débat démocratique moderne en fait partie. Mais il est rigoureusement interdit… d’en débattre!

Michel de Preux

[1] La Nation no 1941 du 18 mai 2012, éditorial d’Olivier Delacrétaz: Pas de loi sur le suicide!

Thèmes associés: Ethique - Politique vaudoise

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