Editorial

Depuis le 12 décembre 2008, la Suisse est associée à la «procédure Dublin», cet accord conclu entre la Norvège, l’Islande, la Suisse, ainsi que les vingt-sept Etats de l’Union européenne sur le traitement des dossiers de requérants d’asile issus d’un Etat tiers.

Dans son esprit, cet accord devait contraindre les personnes qui fuient des persécutions dans leur pays de résidence à demander l’asile politique au premier Etat «sûr» rencontré dans leur fuite. Une telle réglementation devait logiquement épargner à la Suisse le débarquement par voie maritime des requérants d’asile. Seuls les requérants s’adressant à une ambassade de Suisse sur sol étranger ou arrivés (avec de faux papiers) par avion devaient être enregistrés en Suisse.

La réalité a été toute différente. Sachant que l’aide sociale en Suisse est généreuse, que les procédures sont interminables et que le retour forcé est rare, les requérants ont transité par l’Italie, ou par la Grèce, sans s’y attarder et ont déposé leur requête en Suisse.

La Commission des institutions politiques du Conseil national a déposé une motion, le 18 avril dernier, enjoignant au Conseil fédéral de conclure avec l’Italie une convention fondée sur l’art. 23 du règlement Dublin II, pour accélérer le renvoi des requérants qui doivent être enregistrés en Italie. La Suisse a déjà passé de telles conventions Dublin avec l’Autriche et l’Allemagne. Mais le Conseil fédéral met les pieds contre le mur.

Aux requérants «traditionnels», qui satisfont aux critères de la loi sur l’asile et qui peuvent dès lors espérer obtenir le statut envié de réfugiés reconnus, se sont ajoutés la cohorte des jeunes hommes fuyant la misère et le chômage et désireux de gagner, grâce à la générosité helvétique, de quoi faire parvenir quelque secours à leur famille, ainsi que, depuis le printemps arabe, toute la racaille pensionnaire des prisons maghrébines qui a profité des révolutions pour prendre la clé des champs.

Il paraît que ce sont principalement des voyous tunisiens qui sèment la pagaille dans les centres d’hébergement, qui cherchent la bagarre, qui mettent le feu à leurs couvertures ou aux voitures stationnées devant le centre, au grand déplaisir des autres pensionnaires.

Au mois de mai, deux mille trois cent trente et une demandes ont été déposées, soit plus de septante-cinq par jour calendaire, ou plus de cent vingt-deux par jour ouvrable. Au mois d’avril, il y en avait eu 4 % de plus. Les structures d’accueil, dont les cantons sont responsables, ne suffisent plus. Les communes ne manifestent qu’un enthousiasme d’autant plus mitigé que ce sont les petites communes rurales qui disposeraient de la place nécessaire, mais qui devraient subir de ce fait une forme d’invasion inassimilable.

C’est dans ce contexte que certains conseillers nationaux UDC ont proposé que les requérants d’asile récalcitrants ou délinquants soient envoyés dans des camps d’internement où leur liberté de mouvement serait limitée.

Dans une réponse écrite aux propositions de MM. Adrian Amstutz (BE) réclamant le recours à des camps d'internement, Toni Brunner (SG) suggérant l'exclusion des intéressés de la procédure d'asile et Hans Fehr (ZH) requérant une combinaison des deux idées précédentes, le Conseil fédéral a répondu que ce type de mesure n’était pas possible dans un Etat de droit.

Outre qu’elle est fausse, cette réponse manque singulièrement d’intelligence politique. On peut même soutenir qu’elle est franchement idiote.

Car on peut gloser à perte de vue sur la tradition humanitaire de la Suisse, ses engagements internationaux, et Henry Dunant, et nos bons offices, il n’en reste pas moins que les Suisses et les étrangers qui vivent paisiblement en Suisse en respectant ses lois en ont assez des trafics de stupéfiants, des bagarres au couteau, des incendies volontaires, des vols à l’astuce, des batailles rangées contre les forces de l’ordre, qui sont maintenant le lot quotidien des petits matins glauques du Flon lausannois.

Le Conseil fédéral, décidément, n’a toujours rien compris. Le transfert dans un camp d’internement, dans des cabanes militaires, à 2'300 mètre d’altitude, des requérants délinquants, pendant la durée de la procédure d’asile, ne violerait aucune loi ni aucun accord international et serait sans doute de nature à calmer l’ardeur juvénile des lanceurs de canettes de bière sur les policiers.

Claude Paschoud

Thèmes associés: Politique fédérale

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