"Comprendre l'Empire"

    C’est le titre d’un essai d’Alain Soral publié l’an passé aux Editions Blanches à Paris. Son sous-titre éclaire le propos de l’auteur: Demain la gouvernance globale ou la révolte des nations? Cette question clôt le livre, sans y répondre…Pour Alain Soral, les données fondamentales de la politique moderne (avec leurs accessoires intellectuels et idéologiques) se définissent par l’alternative suivante: un gouvernement mondial assumé par une oligarchie financière apatride faisant sa fortune sur l’endettement des particuliers et des Etats par l’intérêt du crédit bancaire et un réveil souhaité des nations, au sein desquelles les élites et les peuples retrouveront une saine connivence par la réhabilitation du travail comme source de richesse opposée à la pure spéculation financière et à l’anarchie d’émissions monétaires qu’un retour à la souveraineté étatique peut seul juguler en assurant un équilibre entre l’investissement maîtrisé à la production et à l’innovation et le barrage à l’inflation dévaluatrice de la valeur unitaire des monnaies par le fameux taux zéro du crédit d’établissements bancaires sous contrôle étatique, moyennant retrait des billets émis par de tels crédits une fois la richesse nouvelle créée et la dette sans intérêt remboursée par les Etats à leur banque centrale émettrice.

    Voilà très exactement l’enjeu énoncé clairement par cet auteur[1], de qui nous ne pouvons qu’approuver les raisons. Mais la problématique qu’il soulève dans cet essai dépasse très largement la question financière, quand bien même celle-ci constitue – et nous suivons aussi l’auteur sur ce terrain avec des réserves que nous évoquerons en fin de propos – l’enjeu essentiel du jeu politique contemporain aussi bien à l’intérieur de la vie des Etats qu’au niveau international. Précisément, cet enjeu est si vaste, si complexe, il engage l’homme si profondément et de manière si décisive, qu’on ne peut échapper à un sentiment d’effroi en constatant que, malgré sa grande lucidité et la pertinence de la plupart de ses remarques, Alain Soral est visiblement dépassé, on dirait plutôt submergé, par son propre combat.

    Pour définir les termes de la guerre actuelle – car c’en est une –, il a les mots qu’il faut, les pensées et les intuitions qui conviennent. Mais pour nous inspirer un minimum de confiance sur nos chances de quitter ce champ de bataille terrifiant sans y perdre notre propre vie, sa réussite est tout sauf évidente… Et pourtant, çà et là, dans ce chaos des idées et des hommes qu’il décrit sans complaisance, parfois émerge un paragraphe de bon sens qu’il eût fallu développer, ne serait-ce que pour fuir ce lancinant constat déjà ironiquement défini jadis par Paul Valéry: «Dieu a tout fait de rien. Mais le rien perce.»

    Voici donc, en guise de réflexion finale opposable au découragement où pourrait conduire la lecture de cet essai, quelques citations qui auraient pu servir d’axes à un raisonnement prolongé afin de redonner de l’espoir après l’énumération d’un tel amoncellement de ruines et d’impostures intellectuelles, morales, juridiques et touchant à la vie sociale, réflexion et raisonnement que nous nous permettons d’ajouter ici:

    1. Page 72: «L’oligarchie mondialiste, pas plus que le principe bancaire dont elle tire sa dynamique et son pouvoir, n’a de territoire ni de lieu. (…) Cette aristocratie nomade et sans noblesse se niche partout où il y a de la richesse à capter et du profit à faire.»

    Comment faut-il donc traiter cette aristocratie? Il faut la réduire par tous les moyens. Les précédents existent. On peut s’en inspirer.

 

    2. Pages 119/120: Si «le prolétariat et sa misère, étant l’incarnation du mensonge de la bourgeoisie et de ses soi-disant Lumières  (…), [firent] le lit, à partir de 1830, de la pensée socialiste», l’issue est à rechercher dans la diffusion de la doctrine sociale de l’Eglise, énoncée avec autant de hauteur que de sagesse pratique depuis le pontificat de Léon XIII, malheureusement totalement ignorée par l’auteur!

    3. Page 169: «Une destruction de la Foi (la royauté catholique) par la Raison (l’humanisme démocratique), puis de la Raison par l’Argent (l’oligarchie bancaire) qui fait de notre actuelle démocratie de Marché et d’opinion le contraire même de la démocratie.»

    La voie contraire est toute tracée: une restauration de la Foi par la visibilité clarifiée de l’Eglise et de son magistère, confortant et ennoblissant la raison dans ses limites propres par l’humilité respectueuse de la Foi, puis par la domestication de l’Argent comme un effet inéluctable de la restauration intérieure et morale de l’homme, à quelque condition sociale qu’il appartienne, restauration qui assurera par le fait même sa maîtrise, où qu’il agisse dans la hiérarchie sociale, des réalités matérielles inférieures.

    Comme le disait déjà Charles-Louis de Haller, la religion est utile à tout et ne peut être remplacée par rien.

Michel de Preux

[1] Et par un seul candidat à la présidence de la République en France, Nicolas Dupont-Aignant (c’est dans son programme).

Thèmes associés: Culture - Economie - Notes de lecture - Politique générale

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