Il ne cesse de mentir...

    Sur le point d’arriver au Mexique et faisant dans l’avion qui l’y amenait allusion à sa prochaine visite à Cuba, Benoît XVI déclara ceci le vendredi 23 mars 2012: «Il est évident aujourd’hui que l’idéologie marxiste, telle qu’elle était conçue, ne correspond plus à la réalité.» Si les mots ont encore un sens, ceux-là signifient ceci: il y eut un temps où le marxisme, avant son évolution, correspondait à la réalité. Ce n’est donc pas lui-même en soi mais son évolution qui le rend caduc aujourd’hui. Il semble, sur le sujet, rejoindre le propos du pape Pie XI tiré de son encyclique sur le communisme, Divini Redemptoris, du 19 mars 1937, selon lequel «il arrive en quelques endroits que, sans rien abandonner de leur doctrine, les chefs communistes proposent à des catholiques une collaboration humanitaire ou charitable; ils avancent alors des projets en tous points conformes à l’esprit chrétien et à la doctrine de l’Eglise»[1]. Mais sa conclusion – et c’est là l’essentiel – s’écarte nettement de celle de Benoît XVI, qui juge le marxisme caduc, alors que Pie XI le jugeait, dans le passage cité ci-dessus, «intrinsèquement pervers», car, pour lui, ces projets apparemment honnêtes et généreux ne sont que tromperies: «Eh bien, Vénérables Frères, apportez la plus rigoureuse attention à ce que les fidèles se méfient de ces pièges. Le communisme est intrinsèquement pervers: il ne faut donc collaborer en rien avec lui, quand on veut sauver de la destruction la civilisation chrétienne et l’ordre social.»[2]

    Or le propos de Benoît XVI ne fait aucune allusion à la perversité intrinsèque du communisme ou du marxisme. Il affirme même le contraire puisqu’il lui reconnaît une certaine adéquation temporaire mais véritable selon lui à la réalité, au moins avant son évolution; autrement dit, il lui reconnaît une certaine vérité, celle-ci se définissant comme l’adéquation de la pensée au réel. L’opposition entre Pie XI et Benoît XVI sur le communisme est donc absolument frontale.

    C’est pourtant le même homme, Benoît XVI, qui, en guise de réponse aux représentants des courants traditionalistes catholiques, se débarrasse de leurs questions doctrinales en imposant, dans l’interprétation des textes de Vatican II, ce qu’il nomme savamment l’«herméneutique de la continuité», sachant pertinemment que cette règle d’interprétation est absolument inapplicable à des textes magistériels et «conciliaires» parfaitement contradictoires, défaut scientifiquement établi. L’esquive équivaut, ici aussi, à un mensonge délibéré. Benoît XVI dit lutter contre le relativisme; en fait, il l’enseigne, à propos du communisme en particulier…

    Nous avons pire encore: s’adressant au Parlement allemand le 22 septembre 2011, Benoît XVI critique publiquement le positivisme juridique, rappelant qu’avant le pouvoir de la loi humaine existe la loi naturelle écrite, avec référence à l’épître aux Romains de saint Paul, chapitre II, verset 14. Il ajoutait alors: «Là où la domination exclusive de la raison positiviste est en vigueur – et cela est en grande partie le cas dans notre conscience publique –, les sources classiques de connaissance de l’éthos [la morale] et du droit sont mises hors jeu. C’est une situation dramatique qui nous intéresse tous et sur laquelle une discussion publique est nécessaire (…)», avec cette citation de saint Augustin sur le droit naturel: «Si l’on supprime le droit, alors qu’est-ce qui distingue l’Etat d’une vaste bande de brigands ?»

    Manifestement, il y a dans les propos de Benoît XVI deux poids et deux mesures selon qu’il s’agit ou  non du communisme. En effet, avant même la parution du Manifeste du parti communiste de Marx et Engels, en février 1848, Pie IX portait la condamnation suivante du communisme: «Doctrine monstrueuse, tout à fait contraire au droit naturel lui-même; qu’on l’admette, ce sera la destruction complète  de tout droit, de toute institution, de toute propriété, de la société elle-même.»[3] L’histoire a confirmé le jugement de Pie IX. Elle a par conséquent confirmé aussi l’erreur de jugement de Benoît XVI. Les faits sont têtus: ils départagent en l’occurrence celui qui  prêchait la vérité et celui qui prêche le mensonge.

Michel de Preux

[1] No 57; souligné par moi.

[2] No 58.

[3] Encyclique Qui pluribus du 9 novembre 1846.

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