Taxons en choeur, c'est la recette du bonheur!

Le couple Sarkozy-Merkel ne cesse de sautiller en tous sens pour essayer d’enrayer la machine qui amène l’Europe et sa monnaie inexorablement vers le naufrage. Mais s’ils ne faisaient que cela, ils ne feraient pas grand mal à défaut d’être efficaces. Une des dernières sottises en date est la création d’une taxe sur les transactions financières. C’est leur réponse à tous les problèmes, taxer! On se demande où ont passé les hommes (et les femmes) de droite.

Revenons sur les origines de la crise globale. Il y a tout d’abord des Etats, européens entre autres, qui se fixent des objectifs de déficit, autrement dit qui décident sciemment de dépenser plus qu’ils ne gagnent et de créer par là même des dettes abyssales. Pour creuser un peu plus la dette, nous avons nos amis de la finance. Ces derniers au cours des dernières décennies ont inventé mille moyens et produits pour faire de l’argent sur du vent, à savoir de manière totalement déconnectée de l’économie réelle. On citera en exemple la vente à découvert, qui fait risquer à l’investisseur malheureux des pertes quasiment illimitées. Comme même les professionnels ne comprennent plus ce qu’ils manipulent, les bulles leur explosent à la figure et les Etats se voient obligés de venir à la rescousse des établissements bancaires menacés de faillite, car ils entraîneraient dans leur sillage le reste de l’économie. Les finances publiques, fragilisées par le surendettement, coulent, entraînées par le poids croissant des intérêts multipliés en raison des mauvaises évaluations des agences de notations... En résumé, on en est là.

Quels sont les scenarii possibles?

Tout d’abord, et c’est ce que l’on observe actuellement dans les pays les plus fragiles, les gouvernements mettent en place de drastiques cures d’amaigrissement de leurs budgets, taillant en tous sens et malheureusement souvent sans penser à long terme. Il n’y a par exemple aucun inconvénient à ce que l’Etat cesse toute subvention à la culture, qui n’est pas un besoin vital et qui peut trouver des financements auprès des mécènes de l’économie privée, alors qu’il est indispensable pour la survie de l’économie d’investir dans la formation, qu’elle soit académique ou professionnelle.

Compte tenu de l’ampleur du gouffre, il y a malheureusement fort à parier que les efforts déployés pour redresser la barre arrivent trop tard et que, par un effet boule de neige, les intérêts creusant la dette entraîneront des baisses de notation, augmentant les intérêts, et ainsi de suite… jusqu’à la faillite générale. Il est probable dans ce cas que l’on assiste à la fin de l’euro et à la reprise par les gouvernements de la zone de leur autonomie monétaire, avec pour conséquence de nombreuses dévaluations.

Une autre possibilité pour les Etats européens serait de modifier les accords qui leur interdisent de se refinancer auprès de la banque centrale. Ils pourraient ainsi faire fonctionner la planche à billet, organiser l’inflation et entreprendre des grands travaux pour faire baisser le chômage. Les victimes dans ce cas seraient les épargnants qui verraient la valeur de leur argent fondre comme neige au soleil alors que les endettés (Etats et particuliers) auraient le plaisir de voir leurs dettes se réduire dans les mêmes proportions.

Mais revenons à l'incongruité économique que représente la taxation des transactions financières. S'en prendre aux investisseurs, commodément rebaptisés spéculateurs depuis la faillite du système financier, est à la mode dans tous les cercles politiques, car cela satisfait leurs aspirations à paraître justes et cela fait plaisir à la plèbe hurlante réclamant des coupables.

La taxe, au contraire de l’impôt, est un prélèvement étatique déclenché par celui qui le paye. La taxe sur la valeur ajoutée n’est payée que par celui qui consomme, la taxe foncière par le propriétaire, la taxe sur le tabac par le fumeur etc... L’objectif justifié de la taxe est de faire payer au consommateur le  service qui lui est prêté par l’Etat, ou de le faire participer aux frais engendrés par ses nuisances. Dans ces limites, il n’y a rien à y redire. Le problème survient lorsque la taxe est utilisée comme moyen de rétorsion à l’égard des «méchants» fumeurs, buveurs et investisseurs.

Mettre des barrières à l’investissement dans un pays au bord du gouffre est d'une bêtise affligeante, car la source du problème n’est pas dans les transactions mais dans le risque. Une petite explication va être nécessaire pour nos lecteurs qui ne sont pas familiarisés avec les produits dérivés.

Dans le monde financier, les options sont ce que l’on appelle des produits dérivés en cela que leur valeur dérive de celle d’une autre chose que l'on appelle le sous-jacent. L’option est un droit d'acheter (call) ou de vendre (put) le sous-jacent à un prix convenu à l’avance. A la base, nous avons deux parties prenantes d’une opération, par exemple un producteur de pommes et un grossiste, qui se mettent d’accord pour fixer le prix auquel le grossiste achètera la tonne de pommes du producteur à l’automne, quel que soit l'état du marché à ce moment-là. En échange de cet engagement, le producteur payera au grossiste une prime pour le risque qu'il prend. Nous sommes dans le cas de figure d'un put (droit de vendre). Si c'était le grossiste qui avait payé la prime au producteur pour s'assurer le prix à la fin de la saison, nous aurions été dans le cas d'un call (droit d'acheter). A l'automne nous avons deux cas de figure: l'année a été bonne, il y a surproduction de pommes et les prix s’effondrent. Le producteur exercera son option et obligera le grossiste à payer le prix convenu. Si l'année a été mauvaise et que la production a été faible, les prix vont augmenter et le producteur n'aura pas intérêt à exercer son option. Il vendra donc ses pommes au prix du marché et perdra la prime payée. Cet exemple illustre que l’option n’est finalement rien d’autre qu’une assurance.

Si nous revenons aux transactions financières, on transposera facilement l’exemple ci-dessus à la couverture du risque que représentent les changements de prix subis pas les titres cotés en bourse. Et si on s’arrêtait là, il n'y aurait pas de véritable inconvénient. Le problème survient au moment où ces transactions sur options se font alors qu’aucune des parties ne possède le sous-jacent. On comprendra que lorsque le spéculateur, et dans ce cas on peut l’appeler ainsi car il ne fait rien d'autre, vend un call, soit un droit de lui acheter un produit qu’il ne possède pas, il s’expose, si ce droit est exercé, à des pertes énormes, car il devra se procurer le produit à n’importe quel prix.

Une mesure possible pour reconnecter les marchés financiers à la réalité économique dont ils devraient être les outils serait d'interdire les opérations utilisant des produits dérivés qui ne soient pas garanties par l’existence du sous-jacent en portefeuille.

Michel Paschoud

Thèmes associés: Economie - Politique générale

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