Bulle immobilière: l'enfer artificiel

La publication par UBS de l’indice UBS des bulles immobilières remet sur le tapis la question des risques posés par l’augmentation incontrôlée des prix de l’immobilier.

Le sujet touche la Suisse dans une certaine mesure mais plus particulièrement l’arc lémanique, dont les logements s’arrachent à prix d’or en raison de la forte demande et de la rareté des objets. Il n’est plus aujourd’hui possible de se loger à des prix décents à Genève ou à Lausanne, que ce soit comme locataire ou en faisant l’acquisition de son domicile. On dira que c’est la loi du marché et qu’un bien vaut le prix qu’un acheteur est disposé à payer. Cela serait vrai si seuls l’acheteur et le vendeur prenaient part à l’opération, ce qui n’est pas le cas dans le domaine immobilier.

L’histoire, dit-on, sert entre autres à ne pas commettre deux fois les mêmes erreurs. Il sera utile de revoir les causes et les conséquences de la bulle de la fin des années huitante en Suisse, ou, plus récemment, de l’explosion espagnole.

Comme nous le disions plus haut, la hausse des prix est causée d’une part par la rareté des objets et d’autre part par la forte demande. Nous ne nous étendrons pas aujourd’hui sur le problème de la rareté de l’offre, attendu qu’il y a là une volonté politique sur laquelle il ne peut y avoir qu’un débat idéologique.

C’est sur le point de la demande qu’il y a lieu de s’attarder. Si l’on prend l’exemple de l’Espagne, on observe qu’entre juin 2000 et 2007 (moment auquel on atteignait le sommet de la courbe) le prix moyen du m2 construit doublait en valeur réelle1 alors que dans le même temps l’indice des prix à la consommation sur la base duquel les adaptations salariales sont faites n’augmentait que de 25,3%2. Comment est-il possible que les Espagnols, alors que leurs revenus n’augmentaient pas sensiblement, aient eu la possibilité d’assumer une pareille augmentation des prix? La réponse est simple: ils ne l’ont pas encore fait.

Le noeud du problème est toujours le fait du financement bancaire. Que ce soit en Suisse, en Espagne ou ailleurs, l’acheteur d’un bien immobilier ne le paye quasiment jamais de sa poche; il fait un crédit. Plus le crédit est facile à obtenir plus la demande sera forte et plus les prix auront tendance à grimper rapidement, incitant les acheteurs à se précipiter sur ce qu’ils trouvent de peur de payer plus le lendemain. Cette forte demande incite les promoteurs à construire à tour de bras, les banques octroient des crédits de 100 % ou plus de la valeur de gage et l’Etat encaisse les taxes. Tout le monde est content jusqu’au jour où le niveau des prix devient vraiment insoutenable pour le budget des ménages et où la demande tarit: c’est l’explosion de la bulle.

On entend beaucoup parler en ce moment de réinventer l’économie, de sortir de l’ultra-libéralisme. Il y aurait peut-être lieu de faire un parallèle avec notre sujet. Si les critères d’octroi de crédit des établissements bancaires espagnols avaient été plus stricts, que ce soit en matière d’apport de fonds propres comme d’évaluation de la valeur de gage des objets, il n’y aurait pas eu de bulle immobilière, car la demande n’aurait pas été artificiellement gonflée.

Artificiel est le mot à retenir, car, dans le cas qui nous occupe comme dans celui de la crise financière mondiale, la source du problème est la création artificielle de profits qui ne reposent sur rien de réel. Militons donc pour une économie connectée aux réalités et pour une marche des affaires éthiquement responsable.

Michel Paschoud

1 Source: Sociedad de tasasción (http://web.st-tasacion.es/html/menu6.php)

2 Source: Instituto Nacional de Estatisticas (http://www.ine.es/calcula/)

Thèmes associés: Economie

Cet article a été vu 3433 fois

Recherche des articles

:

Recherche des éditions