Fin de l'échec au bac

         Il paraît que le célèbre nutritionniste – dont je n’avais jamais entendu parler, preuve que je me nourris mal – Pierre Dukan, dans une Lettre ouverte au futur président de la République récemment parue, «propose une série de mesures chocs qui permettraient au futur chef de l’Etat français d’éradiquer le surpoids en France»1, étant bien entendu que tous les candidats à l’élection présidentielle n’ont d’autre souci que le tour de taille de leurs «chers compatriotes». L’une de ces mesures consisterait à instaurer au baccalauréat une option «poids d’équilibre»: les élèves qui garderaient un indice de masse corporelle compris entre 18 (dernière limite avant la maigreur) et 25 (dernière limite avant le surpoids) durant les trois années précédant le bac – la durée du gymnase chez nous – obtiendraient des points supplémentaires au fameux examen. Quant aux rares jeunes gens qui, en France, ne se présentent pas à un bac quelconque, ils pourraient subir les effets de la malbouffe sans que Monsieur Dukan ou le futur président de la République ne s’en émeuvent.

        

On sait que les spécialistes de la lutte pour ceci et du combat contre cela sont la plupart du temps des êtres bornés, qui ne se doutent même pas qu’un monde – par exemple une vie après le bac, qui mettrait en danger le succès de l’opération –  existe en dehors de leur dada. Or des spécialistes de ce tonneau, il en existe des quantités, qui pourraient reprendre à leur compte la brillante idée de Monsieur Dukan. On pense d’abord, naturellement, aux ayatollahs de la lutte contre le tabac. Mais il y a aussi les végétalistes, les buveurs d’eau, les champions de la mobilité douce, les thuriféraires du sport, les amateurs d’éoliennes et j’en passe mais sans oublier les professionnels de l’antiracisme. Or donc, si on octroie, pour le bac, des points supplémentaires à tous les candidats qui, pendant une période donnée, se sont privés de steaks et de saucisses, ont remplacé la bière par de l’eau – plate et tiède si possible –, troqué leur scooter contre un vélo, doublé le volume de leur musculature, manifesté régulièrement contre le nucléaire et, surtout, versé de substantielles cotisations à SOS-Racisme et à la Licra, il sera possible à n’importe quel habitant de France et de Navarre en âge d’obtenir un baccalauréat de réussir cet examen, déjà de moins en moins difficile, sans même s’y présenter.

Il me semble que l’étincelante suggestion de Pierre Dukan devrait séduire Anne-Catherine Lyon, «ministresse» de l’école vaudoise. L’idée se marierait magnifiquement avec la voie unique que notre fossoyeuse en chef appelle de ses vœux. Cette voie, qui serait introduite dès la première année enfantine, s’appellerait VBsE, soit voie baccalauréat sans enseignement. Plus d’échecs frustrants, plus de doublements traumatisants, plus d’inégalités inacceptables, plus de maîtres exigeants, plus de coûteux bâtiments, plus de tyranneaux déguisés en concierges scolaires, plus de parents stressés parce que leur petit génie fait de mauvaises notes; des foules de bacheliers «conformes» et ignares qui s’en iraient apprendre à lire à l’université. Quant aux potaches qui s’obstineraient à rester trop maigres ou trop gros, à ne pas aimer l’eau plate tiède, à polluer l’atmosphère, à faire du sport-télé, à dédaigner les énergies renouvelables et à raconter des blagues racistes, ils seraient recalés au bac, faute de points, et envoyés en apprentissage.

Ça, c’est de la réforme scolaire !

Mariette Paschoud

1 20 minutes, 3 janvier 2012.

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