Editorial

Les commentateurs de la politique fédérale ont joué à se donner des frissons et à laisser croire à leurs lecteurs, auditeurs et téléspectateurs que de sombres complots se tramaient dans les salons feutrés du Bellevue. Cela fait déjà quelques années qu’ils se gargarisent de cette merveilleuse trouvaille de la «nuit des longs couteaux», destinée à souligner à la fois la culture historique du commentateur et sa conviction qu’il se prépare dans l’ombre des assassinats politiques majeurs.

Déception! Tous les magistrats qui se représentaient ont été réélus, même Mme Widmer-Schlumpf qui ne représente qu’un parti minuscule, alors même que la principale force politique du pays n’aura droit, ces quatre prochaines années, qu’à un seul conseiller fédéral.

Ceux qui n’aiment pas l’UDC s’en réjouissent et les autres, comme M. Pascal Décaillet sur le site www.commentaires.com, s’en lamentent : «Quatre millions d’électeurs potentiels, évidemment bien informés, et même deux millions pour une participation à 50%, ou même un million six cent mille pour une participation à 40%, me semblent ancrer davantage de légitimité que la combinazione de 246 parlementaires. Cette position qui est mienne, la pantalonnade de ce matin n’a fait que la renforcer.»

C’est un coup de pouce à l’initiative Pour l’élection du Conseil fédéral par le peuple, mais, en l’occurrence, il n’est pas certain que les 4, ou 2 ou 1,6 millions d’électeurs auraient fait un autre choix.

La pipolisation est une arme redoutable: Mme Widmer-Schlumpf est une petite bonne femme qui n’a pas démérité. Elle n’a été l’objet d’aucun scandale. Elle est déjà en place. Sans doute est-elle cassante et arrogante, désagréable avec ses subordonnés et peu efficace pour imposer le frein à l’immigration sauvage, mais elle touche le bon peuple avec son air permanent de découvrir son premier sapin de Noël.

M. Schneider-Ammann est au parti libéral-radical ce que M. François Hollande est au PS en France. Un capitaine de pédalo ou, comme l’aurait dit Léon Daudet, un amiral de bateau-lavoir.

Ces gens rassurent. Leur médiocrité même est un gage de concordance et de paix sociale. Le peuple aime les médiocres. On peut s’identifier à eux. Quand on voit le niveau de nos femmes et hommes politiques, n’importe quel crétin peut rêver de devenir syndic, député ou conseiller national, voire même conseiller fédéral.

Pourquoi l’élection du gouvernement par le peuple changerait-elle les données fondamentales du problème? Avec un inconvénient supplémentaire, à savoir que la Suisse serait alors un seul arrondissement électoral et que les conseillers fédéraux devraient être, logiquement, tous suisses-allemands. Si on réservait deux sièges aux Romands, comme on constitue des réserves d’Indiens en Amérique, ce serait l’aveu que ces Romands n’ont pas la carrure d’être élus sans cet artifice et cela les placerait dans une situation où leur légitimité, précisément, serait moindre qu’actuellement.

L’élection du Conseil fédéral par le peuple, c’est une fausse bonne idée qu’il faut enterrer!

Claude Paschoud

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