Les intellectuels faussaires

Sans partager la philosophie générale de cet auteur, Pascal Boniface, je signale qu'il vient de publier un excellent livre critique intitulé Les intellectuels faussaires1, sous-titré Le triomphe médiatique des experts en mensonges. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il ne mâche pas ses mots: «Plus grave que ceux qui se trompent, il y a ceux qui trompent: les "faussaires ", qui fabriquent (…) de la fausse monnaie pour assurer leur triomphe sur le marché de la conviction», écrit-il dans son avant-propos2. Les noms sont cités. Voici quelques-unes de ses appréciations.

  1. Alexandre Adler, sur «sa très grande fidélité politique»: «(…) en 1981, il a toujours été en faveur de la majorité présidentielle (à l'époque: François Mitterand); puis s'est rallié à Jacques Chirac sans état d'âme, après avoir été "chevènementiste", "séguiniste" (Philippe Séguin, gaulliste de gauche), "fabiusien". Tenté par le "jospinisme", il s'est très vite converti au "sarkozysme".»3 «Connu pour avoir annoncé dans le Figaro, en mars 2003, que la guerre d'Irak n'aurait pas lieu, il nous assura aussi que Saddam Hussein avait des liens avec Al Quaïda (…) ce qui est formellement contraire à la vérité.»4
  2. Caroline Fourest: «Elle attribue à ses adversaires des positions sans doute critiquables mais (…) qui ne sont pas les leurs (…) ou des faits répréhensibles (…) inexistants.»5 Sa technique: «Accuser sans preuve»; chez elle, «la vigueur de l'accusation est inversément proportionnelle à la rigueur de la démonstration».6
  3. B.H.L.: «Certainement le modèle du "faussaire". Bernard-Henri Lévy passe pour un intellectuel, alors qu'il est un désinformateur; il passe pour quelqu'un de profondément engagé en faveur  de la morale, alors que c'est le cynisme même; il passe pour un défenseur intransigeant de la liberté…», alors que c'est un sectaire virulent et «un commissaire politique affecté à l'idéologie».7

Tous ces jugements s'appliquent parfaitement à nos évêques dits «catholiques», ainsi qu'au président de leur «collège», dit «Benoît XVI». Tous, en effet, croient d'abord en eux-mêmes «non parce qu'ils font semblant d'adhérer à des causes, non parce qu'ils sont convaincus du bien-fondé de ces causes, mais parce qu'ils estiment que ces causes sont porteuses, qu'elles vont dans le sens du vent dominant. Ce sont des mercenaires. Tous sont conscients d'être aux antipodes de l'honnêteté intellectuelle mais ils ne s'en soucient pas pour deux raisons: la première est que pour eux, la fin justifie les moyens; la seconde est qu'à partir du moment où ils défendent les thèses dominantes, leurs méthodes ne seront jamais sanctionnées.»8

Comme vous le voyez, je n'ai pas eu besoin d'adapter sa critique; elle s'applique d'elle-même aux intellectuels ecclésiastiques dits officiellement «catholiques». Un seul exemple:

«Pourquoi l'Eglise ne croit-elle pas à la révélation du prophète Mahomet?», demande-t-on au Père di Falco9. La question, pour un profane, est des plus pertinentes. En effet, s'il y a un dieu unique, point d'accord formel entre chrétiens, musulmans et juifs adeptes du judaïsme, il doit nécessairement y avoir accord entre eux sur la révélation divine, son contenu, qui n'autorise aucun choix, par définition impie et arbitraire, puisqu'il s'agit de Dieu. Tout le sérieux de la croyance monothéiste est engagé dans une réponse à cette question. Quelle fut celle du Père di Falco? «Vous posez là une question délicate», dit-il, sans plus de précision… Cette réponse le définit comme un imposteur, et un lâche, n'osant énoncer à ce sujet ce qui est de foi catholique et, de surcroît, objectivement fondé… savoir que la révélation divine s'est achevée à la mort du dernier Apôtre. Pourquoi ne donne-t-il pas cette réponse? Parce que son adhésion à l'œcuménisme s'y oppose, le lui interdit. Il cherche donc à cacher à ses interlocuteurs sa propre hérésie en s'empressant de se référer à deux papes par des propos bienveillants envers l'islam, Paul VI et Jean-Paul II: «Paul VI et Jean-Paul II ont invité les chrétiens à reconnaître les valeurs de l'Islam.» A couvert du côté de sa hiérarchie, il s'abstient néanmoins de répondre à la question posée tout en se présentant lui-même comme un catholique fidèle et obéissant. L'escroquerie intellectuelle est évidente. Elle lui valut en partie sa promotion… à l'épiscopat!

Michel de Preux

 

1 Ed. J.-Cl. Gawsevitch, Paris, 2011, 250 pages.

2 Op. cit., p.8.

3 Op. cit., p. 95.

4 Op. cit., p. 98.

5 Op. cit., p. 108.

6 Op. cit., p. 111.

7 Op. cit., p. 202.

8 Op. cite, p. 9.

9 Dans La Foi aujourd'hui, no 19 du mois d'avril 1990. Passage cité par l'abbé Louis Coache dans Jésus trahi par les siens, en attendant la fin…  éd. de Chiré 1991, p. 220.

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