Confort et vérité

Il faut, pour des motifs journalistiques, donner un nom à ceux qui ne croient pas à la vérité officielle. La vérité officielle est la voie la plus simple. Elle a le mérite de recueillir l’appui du gouvernement, des experts officiels et surtout de tous ceux – et ce sont les plus nombreux – qui n’ont pas la moindre compétence dans le domaine controversé, et qui n’ont aucune chance d’être en mesure d’en acquérir une.

La contestation de la vérité officielle est une option si ardue qu’on cherche pour quels obscurs motifs vous vous engagez dans une voie si pleine d’embûches.

C’est à ce moment qu’il faut trouver un nom pour les incroyants, les sceptiques, les Thomas: on appelle créationnistes ceux qui ne croient pas à la possibilité, pour une cellule initiale, de devenir à la fois un poisson, un moustique et un mamouth, à force de mutations génétiques. On appelle révisionnistes ceux qui ne croient pas qu’il fût jamais possible de tuer par gaz des foules entassées à raison de vingt-cinq personnes par mètre carré dans une salle dépourvue de dispositif d’évacuation du gaz. On appelle aujourd’hui conspirationnistes ceux qui ne croient pas qu’un avion ait pu s’encastrer dans le Pentagone sans laisser la trace de ses ailes et ne voient pas comment la tour n° 7 du WTC a pu s’effondrer toute seule sans motif apparent.

Dans tous les cas, l’appellation qu’on leur donne suggère le but plus ou moins secret ou masqué de leur démarche incrédule: ceux qui doutent de l’hypothèse darwinienne veulent nous imposer la lecture fondamentaliste de la Bible, faite d’une création en six jours, avec tous les êtres vivants arrivés sur terre la même semaine.

Quant aux révisionnistes, on ne se penchera pas une seconde sur leurs arguments scientifiques, puisque l’objectif de leur démarche paraît être la réhabilitation du régime nazi. Et même si tel n’est pas leur but, une révision des thèses officielles sur le sujet aboutirait inévitablement à une appréciation différente dans de nombreux domaines.

Comme ces derniers, ceux qui doutent de la main d’Al-Qaida dans les attentats du 11 septembre constituent une catégorie particulière de malades mentaux ou de méchants. Ils voient des complots partout, orchestrés pour la plupart par des agences américaines à la solde de lobbies aussi puissants que discrets.

Lorsqu’on a toujours cru à quelque chose, ou à quelqu’un, et qu’on découvre soudain qu’on a été victime d’une illusion, le premier sentiment qu’on éprouve est la stupeur, bientôt suivie de la colère.

Ceux qui croient encore doivent expliquer cette colère. Ils l’attribueront à l’appartenance probable à une secte, dans laquelle des gourous excitent les fidèles.

L’appartenance à une secte est mal vue de la communauté. Comme son nom le suggère, la secte est la partie qui s’est détachée, qui s’est coupée du corps principal. Le terme de secte est péjoratif et les membres des diverses communautés chrétiennes ne se désignent pas eux-mêmes ainsi.

Les socialistes avaient repéré parmi les personnes qui soutenaient l’excellente initiative «Ecole 2010» un créationniste et une publication – la nôtre – qualifiée pour l’occasion de révisionniste!

Il n’est pas exclu que l’annonce tonitruante de cette abomination ait joué un rôle dans le rejet de ce texte et dans l’adoption d’une loi calamiteuse mais soutenue par la quasi-totalité des partis.

«Nicht Stimmenmehrheit ist des Rechtes Probe» disait Schiller dans Wilhelm Tell. Il faudra choisir, de plus en plus fréquemment, entre le confort et la vérité. Le simple questionnement sur des dogmes scientifiques ou historiques est déjà un signe de mauvais esprit. Dans tous les domaines, on est instamment prié de croire comme tout le monde.

«Mais M’sieur… ? dit Toto en levant la main.

- Silence !» dit le maître.

Claude Paschoud

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