Comme les autres

PolluxLe Pamphlet n° 407 Septembre 2011
«En matière de criminalité, la Suisse a rejoint l’Europe!» Nos journalistes ne se tenaient plus de joie lorsqu’ils nous ont révélé, fin août, les résultats des études les plus récentes et les plus scientifiques attestant de la croissance galopante de la criminalité en Suisse. Au cours de ces quinze dernières années, le nombre des brigandages a doublé, celui des cambriolages a triplé et la courbe des «violences et menaces» s’est envolée tout en haut du graphique. Les «experts» sont désormais obligés d’admettre que le «sentiment d’insécurité» correspond à une insécurité bien réelle.

D’habitude, la presse tente plutôt de dissimuler ce genre de statistiques dérangeantes, à plus forte raison avant des élections. Mais cette fois, on a probablement senti que ça n’allait pas être possible. Alors les journalistes ont décidé de voir le «bon» côté des choses. Ils ont retourné l’information en lui trouvant une conclusion «positive» à leurs yeux: «En matière de criminalité, la Suisse a rejoint l’Europe! […] La Suisse n’est plus un îlot de sécurité. […] Le mythe de la Suisse comme pays le plus sûr du monde a vécu.» On a ainsi vu passer tous les poncifs habituels contre le Sonderfall helvétique.

Bien sûr, ce rapprochement du reste du monde implique que des tas de gens se fassent dépouiller, molester, casser la gueule, voire trucider sauvagement. Mais – pensent les journalistes en haussant les épaules – c’est là le prix à payer pour être enfin comme les autres. N’insistons donc pas trop sur les victimes et songeons plutôt au soulagement que l’on peut ressentir en déclarant d’un air entendu que la Suisse, ce petit pays que l’on méprise, est désormais aussi moche que les autres!

Ce que ni les statistiques ni les médias n’osent avouer, c’est que la Suisse n’a pas seulement rejoint les autres pays européens, mais qu’elle les a aussi bien souvent dépassés. Il y a de nombreuses villes en Europe où l’on se sent davantage en sécurité que dans les nôtres, et où l’on risque moins de finir à l’hôpital avec les côtes brisées pour avoir simplement croisé le regard désœuvré de quelques représentants de telle ou telle minorité majoritaire du quartier.

En outre, si la presse admet aujourd’hui la réalité de la criminalité, elle rechigne encore à évoquer l’origine des criminels. Le Temps du 27 août dernier a fait preuve d’un courage étonnant en titrant: «A Genève, une inquiétude venue du Maghreb». Mais la plupart du temps, le sujet reste tabou et le public en est réduit à «lire entre les lignes» – comme le faisaient, il n’y a pas si longtemps, les citoyens de l’ex-Union soviétique lorsqu’ils ouvraient leur journal. Contentons-nous de relever ici ce «fait divers» survenu le 23 août à Orbe: un individu ayant séquestré et menacé son épouse se retranche chez lui, puis réussit à s’enfuir en projetant de l’huile bouillante sur les gendarmes venus l’arrêter; les journalistes insistent sur le fait qu’il s’agit d’«un Suisse de vingt-cinq ans»; il faudra attendre vingt-quatre heures pour apprendre que toute la famille de ce ressortissant suisse est algérienne…

Si donc la Suisse a rejoint quelques autres pays européens en matière d’insécurité, elle reste encore assez proche des vieux régimes communistes dans le domaine de la désinformation.

Pollux

Thèmes associés: Humeur

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