Mémoire démocratique en danger
Le saviez-vous? Le gouvernement espagnol comporte un Ministère de la politique territoriale et de la mémoire démocratique, deux domaines dont on ne voit pas très bien ce qu’ils ont de commun, mais passons.
La mémoire démocratique est un concept orwellien, qui permet à l’Etat espagnol socialiste d’imposer à tout le pays une vision du passé manichéenne, qu’il convient de graver dans le marbre. C’est au nom de la mémoire démocratique que la dépouille du général Franco, dictateur disparu le 20 novembre 1975, a été retirée en 2019 du Valle de los caídos, où sont inhumés des combattants des deux camps tombés pendant la guerre civile.
Il semble que les efforts du gouvernement espagnol pour rappeler constamment et sans la «contextualisation» de rigueur les horreurs du franquisme se heurtent à un début de résistance.
La traduction d’un grand article du journal espagnol El País publiée le 24 novembre par 24 heures nous apprend, en effet, que «le dictateur, mort il y a exactement cinquante ans, suscite (…) un intérêt croissant chez beaucoup d’élèves» d’un lycée madrilène, et que «plus troublant encore: une sympathie naissante se profile». Il en irait de même dans d’autres établissements.
Selon un analyste politique – les experts ne sont jamais bien loin –, «(…) Franco n’est plus perçu comme un dictateur sanguinaire, mais comme une figure diabolisée par un système auquel ils ne font plus confiance».
Tout est là, et les gouvernements prétendument démocratiques, ceux de France et d’Espagne en tête, qui oublient que leurs électeurs sont non seulement des voix, mais aussi des personnes, devraient s’inquiéter: la plupart du temps, les dictatures sont issues de révolutions et de guerres civiles provoquées par la faillite des systèmes politiques en place, auxquels les populations ne font plus confiance. Les gens appellent alors de leurs vœux un «homme providentiel» capable de renverser le système honni pour créer un ordre nouveau.
On sait que les «hommes providentiels» ne sont pas toujours des démocrates bon teint.
Peut-être les champions de la «mémoire démocratique» devraient-ils faire appel à leur mémoire tout court.
M. P.
Thèmes associés: Histoire - Politique générale - Politique internationale
Cet article a été vu 82 fois