A propos d'Infrarouge du 30 novembre 2010

Emission pénible à entendre et à suivre jusqu’au bout, tant le désordre des esprits y était tout-puissant! Un homme de bon sens, Oskar Freysinger, heureusement jamais déstabilisé; un sociologue lucide et honnête, Uli Windisch, aux arguments terriblement percutants; celle qui était censée mener le débat finit par lui couper grossièrement la parole, et définitivement, en fin d’émission. Honteux. Jean Ziegler, ourson diplômé – on ne sait trop comment – , ne pouvait manifester que son fanatisme idéologique et sentimental – les deux vont ensemble –, naturellement au prix d’un déni permanent du réel. On était avec lui proche du délire verbal. Ses débordements furent d’ailleurs tellement évidents qu’ils finirent par indisposer même celle qui menait ce débat avec l’unique souci de ménager aux téléspectateurs de jolis coups de gueule.

Entre les deux protagonistes, non pas inégaux mais simplement étrangers l’un à l’autre, un homme du centre introuvable, Monsieur Dominique Weiss. Il dit quelques vérités sans poids. L’immigré de service fit de même. Une jeune représentante de l’UDC de Genève parla peu mais bien. Son adversaire socialiste parla beaucoup; elle eut un argument qui ne manquait pas de pertinence mais dont elle méconnaissait visiblement la portée réelle: la confrontation ville/campagnes, que révéla effectivement le vote du 28 novembre dernier. Rainer-Maria Rilke lui avait déjà répondu, mais il est probable qu’elle n’entend pas le langage des poètes, et pour cause: le dessèchement de l’esprit idéologique est totalement réfractaire à l’écoute de ce que peut avoir d’authentique une expérience humaine profonde. «Les villes sont maudites», disait Rilke, car elles sont devenues la négation agonisante de l’identité historique des peuples. Si la Suisse a, plus qu’ailleurs, conscience de son être, c’est essentiellement à son fédéralisme qu’elle le doit, et à sa classe paysanne, moins asservie et laminée qu’à l’étranger. Ces deux réalités nous protègent. Pour combien de temps encore?... Puisse le poids légitime des cantons campagnards et personnalisés contre celui des villes, conglomérats de solitudes où triomphent l’abstraction des slogans de tous bords, l’anonymat des échanges, terreau fertile pour toutes les servitudes idéologiques, durer longtemps encore.

Le prétendu devoir humanitaire d’accepter des criminels déclarés parce qu’étrangers n’est pas autre chose qu’un viol de l’ordre politique naturel et un déni formel du droit de toute société politique à l’auto-organisation interne. National ou international, un droit qui inclut de telles personnes dans le droit formel à la libre circulation et à l’établissement des individus favorise toutes les dérives xénophobes qu’il prétend combattre par ailleurs. Les auteurs d’un tel droit le font à dessein, par haine de leurs propres compatriotes autant que de l’homme étranger, dont ils se servent avec cynisme. «L’internationalisme est opposé aussi bien au nationalisme qu’à l’universalité; il est mû par l’esprit du néant, qui détruit le réel en imaginant des fantômes», disait le philosophe russe Nicolas Berdiaef dans sa Philosophie de l’inégalité1. Les évêques suisses ont, eux aussi, sombré depuis longtemps dans ce délire.

Michel de Preux

1 Quatrième lettre: De la nation.

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