Pour des impôts équitables

«L’harmonisation s’étend à l’assujettissement, à l’objet et à la période de calcul de l’impôt, à la procédure et au droit pénal en matière fiscale. Les barèmes, les taux et les montants exonérés de l’impôt, notamment, ne sont pas soumis à l’harmonisation fiscale.»

C’est ainsi que s’exprime la Constitution fédérale, à l’art. 129 al. 2. Les barèmes et les taux sont laissés à la souveraineté des cantons, sous réserve d’avantages fiscaux injustifiés proscrits par le 3e alinéa.

C’est cette liberté, cette souveraineté même, que l’initiative dite «pour des impôts équitables» entend supprimer par l’adjonction d’un alinéa 2bis qui fixerait des barèmes et des taux minimums dans tous les cantons pour la part du revenu annuel dépassant deux cent cinquante mille francs et pour la fortune excédant deux millions.

Si les citoyens suisses étaient majoritairement des imbéciles, cette initiative serait acceptée largement, car seuls trente-deux mille contribuables, soit à peine 1% d’entre tous, disposent d’un revenu supérieur à deux cent cinquante mille francs. On pourrait donc supposer que le 99% des contribuables seraient ravis de faire payer les riches selon l’inusable formule de la démagogie jacobine.

Heureusement que le corps électoral a coutume de ne pas se laisser abuser par des formules creuses et des planifications hasardeuses. Il n’y a pas d’équité fiscale et tous les systèmes peuvent être qualifiés de justes et d’injustes selon le point de vue auquel on se place.

Contrairement à ce que laissent entendre les initiants, la concurrence fiscale n’est pas malsaine en soi. Je ne suis même pas certain que le Tribunal fédéral avait raison, lorsqu’il a interdit en 2007 au canton d’Obwald d’instituer des taux d’impôts dégressifs.

Un canton dont les finances sont gérées avec prudence, dont les ministres seraient aussi soucieux de l’équilibre budgétaire que des vierges sages, pourrait se permettre des ponctions fiscales plus raisonnables qu’un canton financièrement aux abois, lourdement endetté, parce que géré par des vierges folles.

Pourquoi les consommateurs nous chantent-ils les vertus de la concurrence dans tous les domaines de l’économie, sauf en matière fiscale ?

Faire payer les riches, cette sotte formule a toujours eu pour conséquence, lorsqu’elle était mise en œuvre, de les faire fuir, avec les conséquences immédiates, et pourtant prévisibles, de faire supporter les charges invariables du ménage communal, cantonal ou fédéral à ceux qui restent, c’est-à-dire à vous et moi, à ceux qui n’ont pas la chance de gagner plus de deux cent cinquante mille francs ou de posséder une fortune supérieure à deux millions, et qui, dès lors, n’ont pas eu la chance de pouvoir élire domicile aux Iles Vierges, à Monaco ou à Guernesey.

Il est donc peu probable que l’initiative, si elle est acceptée, procure aux collectivités publiques de considérables ressources supplémentaires. Ce pourrait même être l’inverse.

Mais surtout, et c’est mon grief essentiel, cette initiative introduirait dans la Constitution une entorse de plus au fédéralisme, une violation supplémentaire de la souveraineté cantonale, une centralisation bureaucratique de plus.

Pour cette seule raison déjà, il faut suivre l’avis du Conseil fédéral et du Parlement, et voter résolument NON!

C.P.

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