Faiseurs de paix
La Suisse a accepté d’organiser à la demande de l’Ukraine un «sommet» de haut niveau sur la paix, ont annoncé lundi les présidents des deux pays lors d’une conférence de presse à Kehrsatz, près de Berne. Mais le président ukrainien Volodymyr Zelensky a immédiatement averti que la Russie ne serait pas la bienvenue à ce sommet1.
C’est le 15 janvier que le président ukrainien Volodymyr Zelensky, en route pour Davos et reçu à Berne par la présidente de la Confédération Viola Amherd, a obtenu de la Suisse l’organisation d’une conférence au sommet pour la paix en Ukraine, à laquelle seront conviés des «représentants de haut rang» du plus grand nombre de pays possible, mais pas la Russie.
Depuis lors, Ignazio Cassis, chef du Département fédéral des affaires étrangères, s’est beaucoup démené en faveur du sommet en question. A défaut d’invitation, il a proposé à l’ambassadeur de Russie à Berne Sergei Garmonin la médiation de la Suisse entre Kiev et Moscou. Il a fait la même offre à New York, en marge d’une réunion du Conseil de sécurité, à Sergueï Lavrov, ministre des affaires étrangères russe. Curieusement, ces deux messieurs ont rejeté l’aimable proposition, au motif futile que la Suisse n’est plus neutre. Il en a été tout marri, le brave homme.
Début février, lors d’un voyage en Asie, notamment en Chine et en Inde, où il comptait obtenir le soutien des pays visités, mais n’a pas remporté de succès décisif – ça se saurait –, il a tout de même précisé qu’«il n’y aura pas de conférence de paix conclusive sans la Russie», avis partagé on s’en doute par les pays qu’il a honorés de sa présence.
On admirera au passage la conférence de paix conclusive. Le conseiller fédéral Cassis et ses collègues du Gouvernement s’imaginent-ils que les Russes accepteront de participer à un sommet final qui les invitera à entériner des décisions auxquelles il n’auront eu aucune part? On peut ne pas aimer le président Poutine et son entourage, mais il serait stupide, voire dangereux, de les prendre pour des imbéciles.
On a un peu l’impression que Mme Amherd, M. Cassis, leurs collègues et, bien sûr, M. Zelensky savent de science certaine que la Russie va perdre la guerre et qu’on pourra lui imposer un nouveau Traité de Versailles, un traité conclusif en quelque sorte.
Mais on n’en est de loin pas encore là.
En attendant, il serait prudent de la part du Conseil fédéral de faire preuve d’un peu d’humilité. Ce n’est pas parce que la Suisse, après avoir commis l’erreur d’entrer à l’ONU, entame sa deuxième année au Conseil de sécurité et abrite bon nombre d’organisations internationales, ainsi que, chaque année, le Forum de Davos, qu’elle est autre chose qu’un petit pays doté d’une armée en phase de remise en forme.
Peut-être ferait-il bien aussi de se rappeler que sa mission n’est pas de parader sur la scène internationale, mais de veiller à la sécurité d’une population de quelque neuf millions d’habitants, ce qu’il ne fera pas en se mettant à dos un pays bien plus puissant que le nôtre.
Enfin, il ne devrait pas oublier que les dépenses publiques sont assumées directement ou indirectement par le contribuable suisse et que la Confédération n’est pas censée gaspiller ses ressources dans le financement d’un raout politique qui ne débouchera sur rien, pour les beaux yeux d’un président étranger désireux d’y inviter presque toute la Terre sans bourse délier.
M. P.
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