Désertion

«Si vous êtes catholique ou protestant, vous l’avez peut-être remarqué lors des messes ou des cultes: les croyants y sont moins nombreux.»

Ainsi commençait le 29 octobre un article de 20 minutes en ligne1.

Mais oui, les croyants qui se rendent à l’église l’ont remarqué. Il faudrait être aveugle pour ne pas s’en apercevoir et il n’est nullement nécessaire de préciser que «les chiffres en font d’ailleurs foi, comme le révèle le “SonntagsBlick”, qui a pu se procurer la nouvelle statistique ecclésiastique de l'Institut suisse de sociologie pastorale».

Les chercheurs dudit institut attribuent le phénomène aux abus sexuels commis au sein de l’Eglise catholique et à l’impôt ecclésiastique prélevé dans presque tous les cantons suisses.

Peut-être, mais il ne faut pas oublier que la désertion a commencé bien avant la révélation fracassante des abus sexuels commis par des prêtres catholiques et que l’impôt ecclésiastique dérange surtout, quand il est obligatoire, des gens qui ne mettent jamais les pieds dans une église et ne peuvent, par conséquent, participer à l’éclaircissement des rangs.

Mme Rita Famos, présidente de la pseudo-Eglise évangélique réformée de Suisse, donne involontairement une explication beaucoup plus plausible: «Nous, les réformés, n’avons pas non plus réussi à stopper la baisse du nombre de membres – malgré l’égalité, la participation démocratique et une morale sexuelle éclairée.» Il ne vient pas à l’idée de cette dame que c’est précisément cette volonté de s’adapter à tout prix aux modes de notre époque qui est à l’origine du désastre. En témoigne cet autre propos: «Notre société a précisément besoin d'une telle Eglise: mue par Dieu, engagée envers les hommes.»

Il faut pas mal de culot – ou d’inconscience: essayons de rester charitables – pour affirmer que l’adoption par les Eglises réformées helvétiques de toutes les nouveautés du siècle sont mues par Dieu et que leurs modernes engagements envers les hommes sont de saintes manifestations de charité chrétienne.

Citons, pour conclure, M. Olivier Delacrétaz, ancien  président de la Ligue vaudoise2:

(…) Depuis le deuxième concile œcuménique du Vatican (1962-1965), l’Eglise (et cela vaut aussi pour l’Eglise évangélique réformée du Canton de Vaud, qui a même pris une bonne avance en matière sociétale) ne combat plus la modernité. Elle s’y rallie, pour ne pas dire qu’elle s’y soumet avec l’énergie des néo-convertis. Ses références bibliques et théologiques apparaissent toujours plus comme de simples éléments de langage destinés à «faire chrétien». Elles recouvrent une pensée qui se fond dans les stéréotypes de la modernité, relativisme religieux et philosophique, progressisme technique, anxiété écologique, le tout nappé de sentimentalité.

On ne saurait mieux dire.

M. P.

 

1https://www.20min.ch/fr/story/suisse-record-dadieux-aux-eglises-catholique-et-protestante-449185842492.

2 La Nation, 20 octobre 2023.

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