Editorial
Le 7 décembre prochain, l’Assemblée fédérale sera appelée à élire deux nouveaux conseillers fédéraux. En effet, ainsi que nul ne l’ignore et à la stupéfaction générale, Mme Simonetta Sommaruga, après M. Ueli Maurer, a décidé de redevenir simple citoyenne.
Contrairement à l’Union démocratique du centre (UDC), qui se contente d’appliquer la procédure habituelle pour choisir un «ticket», peut-être mixte d’ailleurs, à présenter aux suffrages du Parlement, le Parti socialiste (PS), qui se désigne lui-même comme le parti de l’égalité, a décidé de réserver l’élection à un «ticket» exclusivement féminin. Cette curieuse conception de l’égalité, qui consiste à favoriser outrageusement les femmes, n’a pas plu à tout le monde, y compris au sein du PS.
C’est pourquoi un rebelle, le conseiller aux Etats socialiste zuricois Daniel Jositsch, a décidé de présenter sa candidature pour son compte au grand dam de son parti, qui ne peut l’en empêcher, mais verrait d’un très mauvais œil un Conseil fédéral ne comportant que deux éléments féminins.
Face à une élection au Conseil fédéral, les partis s’agitent, l’UDC se comporte d’une certaine façon, le PS d’une autre; on nous rappelle que la représentativité des partis doit être respectée, ainsi que celle des femmes. Les partis sont omniprésents, rien ne se fait sans les partis, rien n’est démocratique sans les partis, ce sont eux qui désignent les candidats et gare au dissident qui «ne joue pas le jeu démocratique». C’est ce qu’on appelle, je crois, la partitocratie.
Quitte à navrer quelques amis, je pense que la médiocrité de nos dirigeants est due à cette influence abusive, mais incontestée, des partis politiques.
En effet, l’élection des trois Conseils qui constituent l’autorité fédérale est toujours fondée sur la représentativité des partis, dont l’importance est censée refléter la volonté des électeurs, c’est-à-dire du peuple dit souverain.
Si cette vision se défend en ce qui concerne l’élection du Conseil national, Chambre du peuple, il en va tout autrement pour le Conseil des Etats, Chambre des cantons, et le Conseil fédéral, exécutif, donc Chambre de personne.
L’article 150 al. 1 de la Constitution fédérale (Cst.) prévoit que «le Conseil des Etats se compose de 46 députés des cantons». Quant à l’al. 3, il précise que «les cantons édictent les règles applicables à l’élection de leurs députés au Conseil des Etats». On voit donc bien que l’intervention des partis n’est nullement indispensable à l’élection des Conseillers aux Etats. Sans revenir à l’époque de la Diète, où les députés, en tant que messagers de la volonté des cantons, devaient entreprendre de longs voyages chaque fois qu’ils avaient besoin de directives, on pourrait très bien imaginer que les membres du Conseil des Etats soient désignés par le Grand Conseil, voire le Conseil d’Etat, de chaque canton et qu’ils représentent à Berne les intérêts dictés par leurs cantons et non ceux d’un parti politique.
Pour ce qui est de l’élection au Conseil fédéral, l’article 143 Cst. stipule que «tout citoyen ou citoyenne ayant le droit de vote est éligible au Conseil national, au Conseil fédéral et au Tribunal fédéral». Dans ces conditions, pourquoi faudrait-il donc que les candidats soient présentés, sous forme de «tickets» ou non, par des partis politiques? Pourquoi pas par d’autres corps intermédiaires? Pourquoi pas, par exemple, par les syndicats ou les associations patronales?
Le «peuple souverain» a droit, et ce n’est pas valable que pour la Suisse, à des dirigeants intelligents, de caractère trempé, dotés de qualités de chefs et de grandes compétences, pétris de bon sens, habités par un véritable esprit de service, voire de sacrifice; à des gens dont le sexe importe peu, pourvu qu’ils soient à la hauteur de leur mandat.
Ces gens existent, même s’il n’y en a probablement pas beaucoup. Encore ne faut-il pas les chercher qu’au sein des partis politiques.
Mariette Paschoud
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