Votations

Incertitude et hypothèses

L’adaptation du taux de conversion minimal de la prévoyance professionnelle, qui fera l’objet d’un vote populaire le 7 mars prochain, est un sujet technique et rébarbatif, sur lequel même les experts les plus compétents ne parviendront pas à se mettre d’accord, et encore moins à convaincre, car les uns et les autres en sont réduits à fonder leurs analyses sur des hypothèses.

Le deuxième pilier de la prévoyance vieillesse est constitué, on le sait, de l’avoir de vieillesse accumulé durant la période d’activité professionnelle, par prélèvements sur les salaires. La différence avec le premier pilier est que les prélèvements pour l’AVS servent immédiatement à payer les rentiers d’aujourd’hui, alors que la fortune constituée par les caisses LPP est placée, et servira à payer les pensions des rentiers futurs.

Quelles seront ces rentes? C’est là que réside la difficulté, car on est obligé, pour le prévoir, d’introduire dans le calcul des paramètres hypothétiques: espérance de vie statistique future et taux de rendement des placements futurs, notamment.

Une projection pessimiste (ou prudente) tend à postuler une amélioration de l’espérance de vie et un taux de placement plutôt modeste. Il faudrait donc accepter l’adaptation du taux de conversion minimal de 6,8 % à 6,4 % (cela signifie qu’un avoir de vieillesse accumulé de 100'000 francs procurera une rente annuelle de 6'400 francs, à la place de 6'800 francs comme actuellement).

Une projection optimiste postule pour les prochaines années un développement économique réjouissant et un redressement du taux de rendement des capitaux à faible risque. Il faudrait donc refuser l’adaptation proposée. Et si les hypothèses optimistes ne se réalisent pas, ce seront nos enfants et nos petits-enfants qui assumeront le manco, par une augmentation des prélèvements sur leurs salaires.

Bien malin qui pourrait dire aujourd’hui qui aura raison dans dix ou vingt ans.

On en est donc réduit à juger sur l’honnêteté des arguments utilisés dans la campagne. A cette aune, les milieux référendaires (opposés à la diminution du taux) remportent la palme de la désinformation: la plupart de leurs arguments ne sont que de grossiers mensonges.

C.P.

Halte-là!

Les motifs pour lesquels je voterai «non» à l’initiative pour l’institution d’un avocat de la protection des animaux le 7 mars sont avant tout épidermiques.

Certes, il n’est pas opportun de légiférer sur la question à l’échelon fédéral, puisque les cantons ont déjà la possibilité de procéder à cette innovation. Certes, prévenir vaut mieux que plaider et l’avocat qui défendra les intérêts des animaux maltraités devant les tribunaux n’empêchera pas les souffrances infligées aux bêtes par des imbéciles et des malades – il est d’ailleurs douteux qu’un chien ou un cochon d’Inde trouve consolation dans la condamnation d’un maître brutal. Certes, ces arguments doivent suffire à convaincre les réalistes de rejeter l’initiative. Et je suis bien convaincue que vous avez déjà rencontré ces propos de simple bon sens ailleurs que dans ces pages. Je ne les cite donc que pour mémoire.

Mais, à mon opposition, il y a d’autres raisons moins raisonnantes, qui seront évidemment considérées comme futiles, voire ridicules par les hypothétiques adversaires qui me liront.

Peut-être l’avez-vous constaté comme moi: les gens qui vouent aux animaux un amour excessif aiment mal les humains et les font passer loin derrière chats, chiens, hamsters et chevaux, voire poissons rouges. Or même si les bipèdes ne sont pas toujours aimables, il n’est pas normal que ceux-là même qui sanglotent sur le sort des animaux maltraités par des maîtres dévoyés ou, qui sait, malheureux, trouvent parfaitement normal qu’une femme se fasse avorter pour des raisons de confort personnel ou parce qu’elle se trouve dans une situation difficile. On ne sache pas que les Verts, seul parti à soutenir l’initiative, aient été à la pointe du combat contre la légalisation de l’avortement, ni qu’ils préconisent la nomination d’avocats chargés de défendre les bébés assassinés par leurs géniteurs imprévoyants ou malchanceux. Je ne peux donc pas me situer dans le même camp que ces gens-là.

Depuis 2003, les animaux ne sont plus considérés comme des choses. Je m’en réjouis pour eux, car, contrairement à ce qu’on pourrait croire, je les aime aussi – avec toutefois une forte réserve à l’égard des guêpes, des rats et des tarentules –, mais le fait d’avoir désormais le statut d’êtres vivants doués de sensations n’en fait pas encore des personnes dont les droits juridiques seraient les mêmes que ceux de l’humain qui leur pourrit la vie. Dans le cas contraire, les plantes qui naissent, croissent, meurent et respirent – et dont il n’y a aucune raison d’affirmer qu’elles ne souffrent pas lorsqu’on les néglige ou les maltraite – comme tous les autres êtres vivants devraient bénéficier d’une protection identique. Pourquoi ne poursuivrait-on pas, avec l’aide d’un avocat, les amoureux qui effeuillent des marguerites ou gravent leurs noms dans l’écorce des arbres? N’est-il pas scandaleux qu’on arrache les mauvaises herbes, qu’on coupe les roses pour en faire des bouquets, qu’on scie des sapins pour les vendre sur les marchés de Noël? D’ailleurs, pour en revenir aux animaux, ne devrait-on pas interdire – comme le préconisent déjà certains disciples inconditionnels du végétarisme obligatoire – l’abattage des bovins, ovins et volailles? Ne devrait-on pas prohiber la chasse, la pêche, la destruction des nids de guêpes, la dératisation des caves?

Nous ne pouvons attendre des fanatiques de la protection des animaux qu’ils réfléchissent aux implications lointaines de la cause qui donne un sens à leur vie. Il nous faut le faire à leur place et voter «non» à cette initiative absurde.

Où est la limite?

Personne ne saurait soupçonner les rédacteurs du Pamphlet d’être opposés à la liberté de recherche, au nom de laquelle les Chambres fédérales et le Conseil fédéral soumettent au vote des Suisses un article constitutionnel concernant la recherche sur l’être humain. Toutefois, et sans parler du fait que, une fois de plus, le fédéralisme en prend pour son grade, certains passages du texte proposé m’inquiètent, en particulier celui qui traite des personnes incapables de discernement.

L’alinéa 2c du futur article constitutionnel stipule qu’«un projet de recherche [en biologie et en médecine] ne peut être réalisé sur des personnes incapables de discernement que si des résultats équivalents ne peuvent être obtenus chez des personnes capables de discernement [et donc aptes à opposer un refus contraignant];lorsque le projet ne permet pas d’escompter un bénéfice direct pour les personnes incapables de discernement, les risques et les contraintes doivent être minimaux».

Si j’ai bien compris, être capable de discernement, c’est posséder la faculté de comprendre une situation donnée et de faire librement des choix fondés sur une appréciation de ladite situation. Sont donc incapables de discernement, en gros, les petits enfants, les vieillards retombés en enfance et les malades ou blessés inconscients, toutes personnes à qui il convient de ficher une paix royale, même aux dépens des progrès de la science, au lieu de limiter autant que faire se peut – sur quels critère définit-on les risques et les contraintes minimaux? – les désagréments, voire les souffrances, qu’on va leur faire subir dans le cadre de projets de recherche mal définis dont ils ne seront même pas les bénéficiaires assurés.

La recherche sur l’être humain, si tant est que son existence se justifie, doit se fonder exclusivement sur le volontariat, faute de quoi on risque toutes sortes d’abus et de dérives dus à des interprétations élastiques des notions de protection de la dignité humaine et de la personnalité, de disproportion des risque et des contraintes par rapport à l’utilité du projet, voire de capacité de discernement, dont les autorités fédérales ne semblent pas avoir perçu le caractère extrêmement flou.

Tant qu’il ne sera pas fixé des limites vraiment claires à la recherche sur l’être humain, il convient de renvoyer les Chambres et le Conseil fédéral à leurs chères études.

M.P.

Thèmes associés: Politique fédérale - Politique vaudoise

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