L'Etat, ce faux remède

Une réflexion amusée nous est venue en entendant certains partisans de l'initiative «Monnaie pleine», dont l'argumentation visait essentiellement le manque de confiance que nous devions éprouver vis-à-vis des banques commerciales et la nécessité de confier toute l'activité monétaire à la seule banque nationale. Parce que la banque nationale, c'est l'Etat, et que l'Etat, c'est nous! – écrivait fièrement une amie résolument contestataire.

L'amalgame entre la banque nationale et l'Etat est inadéquat: en Suisse, fort heureusement, le pouvoir politique ne contrôle pas les décisions de la BNS et se contente de lui fixer des objectifs généraux.

Mais ce qui nous a fait sourire, c'est le paradoxe de cette exclamation – «L'Etat, c'est nous!» – lancée par une personne qui, sur à peu près toutes les autres questions, se méfie comme de la peste de l'Etat qui nous cache des choses, qui nous ment, qui nous manipule et qui est à la solde d'on ne sait qui. Comment expliquer que ces ignobles conspirateurs agissant dans l'ombre et ourdissant de vils complots contre le peuple se mettent soudain à servir fidèlement les intérêts des citoyens dès qu'il est question de monnaie et de prêts commerciaux ou hypothécaires?

Nous ne nous étendrons pas sur ce manque regrettable de logique qui caractérise la plupart des raisonnements humains. Nous remarquerons seulement que l'Etat, en même temps qu'il constitue une cible facile pour toutes les récriminations de la société, apparaît aux yeux de cette même société comme le régulateur suprême de tous les problèmes. Chaque fois que quelque chose ne tourne pas rond, on s'exclame: Mais que fait l'Etat? Pourquoi n'intervient-il pas? A quand une loi pour mettre un peu d'ordre? Les esprits socialistes réclament une régulation étatique complète de toutes les activités humaines, tandis que les ultralibéraux convaincus revendiquent une dérégulation totale… imposée et contrôlée par l'Etat.

Cette attitude est un peu agaçante. Notre société a davantage besoin d'ordre que de réglementation, et l'un et l'autre ne vont pas forcément de pair, contrairement à ce que l'on croit. L'ordre est d'abord une qualité individuelle, qui s'enseigne, qui s'apprend et qui s'intériorise. Pour que l'ordre règne dans la société, il doit d'abord régner dans l'esprit des individus, du moins chez la majorité d'entre eux. Si tel n'est pas le cas, l'intervention de l'Etat ne peut guère y remédier. Seule l'action patiente et durable de l'Ecole ou de l'Eglise peut véritablement améliorer les individus.

Cette réflexion mériterait de guider le choix des citoyens à chaque fois qu'une initiative populaire demande à l'Etat de nous aménager un monde meilleur.

Pollux

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